par Louis Goupilleau (1) Loiret par Louis Goupilleau (1) Loiret
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La nouvelle loi sur l’agroalimentaire promettait aux producteurs des prix rémunérateurs. Aujourd’hui votée, elle suscite du côté des agriculteurs scepticisme, et parfois de l’amertume, tant l’espoir d’inverser la construction des prix était attendu.
Le gouvernement a estimé ne pas pouvoir interférer au niveau des prix au motif que nous sommes dans une économie de marché, et que l’intervention de l’État ne serait pas compatible avec les règles communautaires. Si c’est le cas, pourquoi avoir promis aux agriculteurs d’inverser la formation des prix ? Après être passé des prix administrés à des prix fixés au niveau des marchés européens et mondiaux, pouvait-on laisser croire que l’État allait garantir aux agriculteurs « le juste prix » ?
La loi s’en remet donc à la responsabilité des acteurs au sein des filières. Ils doivent s’entendre sur les indicateurs de coûts de production pour fixer les prix. Le gouvernement fait le pari du consensus. Or, en la matière, l’expérience des négociations commerciales montre que celles-ci se sont faites le plus souvent au détriment des producteurs. Au moment du débat parlementaire, des observateurs parmi les plus avertis n’ont d’ailleurs pas manqué de s’interroger sur l’efficacité de la méthode. Pour certains, la démarche est machiavélique. Pour d’autres, faire croire aux agriculteurs qu’ils allaient avoir des prix plus justes, on les a tout simplement trompés.
Difficile cependant pour les producteurs d’admettre, par exemple, que le beurre et le lait consommés chez nous leur soient payés au prix mondial, lorsqu’il est au plus bas, et qu’à l’inverse, ils n’aient pu bénéficier dernièrement de l’envolée des cotations mondiales. Les distributeurs préféraient maintenir les rayons vides plutôt que de répercuter la hausse des cours, alors que dans la plupart des autres pays européens, les consommateurs ont dû y mettre le prix. Ce constat met clairement en cause les pratiques commerciales. La loi peut-elle corriger le rapport de force pour rétablir la confiance et revenir à des pratiques simples et lisibles ? Pas certain que la définition de ce qu’est un prix « abusivement bas » et l’encadrement des promotions suffisent à apaiser les relations !
La logique de nos coûts de production s’accommoderait donc mal de celle des marchés internationaux.Les industriels sont parfois incités à aller chercher leurs matières premières un peu au hasard des marchés aux prix les plus bas. A priori, si notre production agricole n’est pas jugée « compétitive », les transformateurs comme les grossistes conservent leur liberté de s’approvisionner ou pas chez nous, et les distributeurs continuent de disposer d’un redoutable pouvoir de négociation.
En attendant, certains producteurs se tournent vers la contractualisation. Portées localement, les initiatives se multiplient. En cherchant à se rapprocher des consommateurs, elles mettent en avant la spécificité, l’authenticité et la qualité des produits, en même temps qu’une parfaite transparence des conditions de production en matière environnementale et de bien-être animal. Si la plupart de ces expériences sont favorables aux agriculteurs et diversifient l’offre des grandes enseignes, pour l’instant, le volume des produits concernés est faible et a peu d’impact sur le revenu agricole. Mais cette stratégie montre que, si la refonte de l’offre alimentaire doit engager producteurs, industriels et distributeurs, elle dépend aussi très largement des consommateurs. Et pour réussir… emporter l’adhésion de l’ensemble de la société.
(1) Auteur du livre : « Nos paysans, dernier rempart contre la désertification et la malbouffe ».
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